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LES OISEAUX DE PROIE

que de précision, et la main de la jeune fille ne tremblait pas, en dépit du trouble qui lui secouait le cœur.

« Je suis très-fâché de ne pas la rencontrer, reprit presque aussitôt Valentin, car sa vue m’est très-chère. Pourquoi chercherais-je à vous cacher mes sentiments, Diana ? Nous avons supporté tant de misère ensemble, que tout doit être commun entre nous. Je vous ai toujours considérée comme une sœur, et je ne veux avoir aucun secret pour vous, bien que la froideur de votre accueil puisse me faire craindre de vous avoir offensée.

— Vous ne m’avez nullement offensée, et je vous remercie d’être aussi franc avec moi. Vous auriez toutefois peu gagné à ne pas l’être, car il y a longtemps que je connais votre affection pour Charlotte.

— Vous aviez deviné mon secret ?

— J’ai vu ce qu’aurait pu voir toute autre personne qui eût pris la peine de vous examiner pendant dix minutes quand vous venez ici.

— Comment… étais-je vraiment dans un aussi piteux état ? fit en riant Valentin. Étais-je si visiblement épris, moi qui ai si souvent blagué le sentiment ? En voilà des histoires, Diana !… Que diable tripotez-vous là avec vos grains ? Cela a tout l’air d’un travail extraordinairement savant.

— C’est un prie-Dieu que je fais pour Mme Sheldon… il faut que je gagne ma vie.

— Et vous vous abîmez les yeux à cette machine-là… pauvre petite ! Il est bien dur que votre beauté et vos talents ne soient pas mieux récompensés ; mais, un de ces matins, je n’en doute pas, vous épouserez quelque millionnaire, ami de M. Sheldon, et l’on entendra parler de votre maison et de votre huit-ressorts. Oui, ma mignonne, ni plus ni moins.