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adolphe brassard

— Ah, saland ! Moi, je prenais mon bain tous les jours.

— Hein ? Où çà ?

— Dans ma sueur.

— Ah ! Eh ben ! blagueur !

Le matin se déroule maintenant sur la campagne, et découvre ses blessures qu’un peu de soleil visite. Puis, les nuages ferment les éclaircies du ciel et tout devient sombre.

— On dirait qu’on vient de soulever les bandages sur des bobos, dit le poilu, et qu’on les a remis machinalement, ne sachant que faire.

— Toi, mon vieux, t’es trop morose. Ça fait quasiment vingt heures que la guerre est finie pour nous ; faut pas chialer sur le ton des psaumes, voyons.

— C’est la lecture de ce calepin qui me chicote.

— C’est comme moi qu’à y penser je deviens toute chose.

Et le poilu, à la voix étrangement douce, qui lisait si bien et argotait les mots en parlant, regarde, dans un silence qui dure une minute, son compagnon qui, la tête penchée, fixe sans la