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adolphe brassard

et ils sont morts en lâches ; le deuxième groupe se composait d’espions et ils sont morts crânement ; le dernier groupe, c’était des déserteurs et ils sont morts en pleurant. Je les comprends.

***

À force de voir mourir, on finit par se familiariser avec la mort, mais aussi à en comprendre tout le sens terrible. J’assiste à l’agonie d’un camarade. Je le connais depuis longtemps, et les six derniers mois nous ont liés d’amitié. L’amitié dans les tranchées se cimente vite. Elle est forte de toute la crainte que nous avons de la perdre à tout instant par les balles. Après chaque échauffourée, ce camarade et moi nous nous retrouvions avec cette satisfaction de ne pas avoir été séparés cette fois encore, et c’était souverainement consolant. Il me prenait à nouveau pour témoin de ses confidences, comme si c’était la première fois qu’il m’entretenait du programme de sa vie. Mais je ne me