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les mémoires d’un soldat inconnu

coagulé les microbes de destruction. Elle s’implante partout et sature son œuvre d’une odeur nauséabonde. Son travail m’hypnotise. J’en suis la marche, et, soudain, je m’en aperçois. Toute ma vie bondit sur moi et me projette en arrière dans une attitude qui défie l’ennemi de tout ce qui croît et respire. L’ami appartient au monde des morts. Je fais partie du monde des vivants. Il n’y a plus rien de commun entre lui et moi. Il m’attire mais je le repousse. Un mur se dresse entre nous deux, et je m’en éloigne avec la hâte que l’on met à fuir les dalles d’une morgue qui nous ont horrifié. Je veux me délivrer du spectacle macabre. Je secoue la tête pour écarter de mes yeux et de mes oreilles ce que j’ai vu et entendu. Je me frappe la poitrine pour en déloger l’oppression qui l’étrangle. J’étire mes bras, je fais mouvoir chacune de mes articulations et, parce qu’elles me répondent comme à l’ordinaire, ça me réjouit. Mes pieds s’appuient fortement sur le