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souvent les grands drames de la vie commencent sans que rien ne les fasse présager.

Gilberte, en ce jour qui nous occupe, se leva à bonne heure suivant son habitude. Sa toilette faite, elle se rendit au potager que l’on apercevait à une assez grande distance de la maison. Après avoir sarclé un moment, elle se mit en devoir d’emplir de légumes choisis le panier apporté. Attentive à son travail, elle ne s’apercevait pas que son chien qui l’avait suivie se promenait lentement parmi les tiges tendres des plants, les écrasant. L’ayant vu, elle le rappela vivement :

— Oh là, là, Pataud, on ne se gêne pas, hein ? Ici, et vivement.

L’animal pris en faute, obéit aussi vite que lui permettaient son âge avancé et son embonpoint, et, penaud, l’oreille basse, vint se placer près de sa maîtresse, dans l’allée étroite qui divisait les carrés de légumes, bordés de fleurs annuelles aux couleurs vives.

— Toi, vieux Pataud, si je t’y reprends, tu ne viendras plus au jardin. Tu as compris ?

Pataud, les yeux implorants, posa son museau sur la main qui le menaçait.

— Chère vielle bête, dit Gilberte en caressant la bonne grosse tête de son ami poilu.

Celui-ci comprenant qu’il était pardonné, lança un jappement joyeux. Puis la gueule entr’ouverte, montrant ses crocs blancs, il s’assit sur son train d’arrière et de contentement se mit à battre le sol de sa queue dont la couleur rousse n’attestait aucune race spéciale.