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gare, prenaient ici une acuité infiniment douloureuse. Les lèvres qu’il venait de sentir sur ses joues, s’étaient posées sur le front glacé de sa jeune femme, les mains qui tenaient toujours les siennes, avaient fermé ses beaux yeux. Il eut un regard navré à l’adresse du témoin de la mort de Gilberte.

— Tante Marie, parlez-moi « d’Elle »…

— Nous en parlerons longuement, mon ami, un peu plus tard. Pour le moment, il faut te reposer, oh, excuse-moi, enlève ton paletot, mets-toi à ton aise. Là. Et maintenant, je vais te préparer un petit déjeuner ; mais avant, laisse-moi te regarder.

Prenant la tête d’Étienne dans ses mains, l’excellente vieille la leva vers elle.

— Tu es encore beau, mon enfant, tes cheveux blancs te vont bien.

— Oh, je suis vieux et bien changé.

— Vieux ! tu n’as pas cinquante ans !

— Les années ont compté double pour moi.

— Pauvre Étienne, je te comprends, je sais que les chagrins allongent les jours.

En songeant à ses disparus, tante Marie ne put retenir ses larmes, qui en habituées, se posèrent au bord de ses paupières flétries. Mais la chère vieille se ressaisit, et elle sourit de nouveau à son neveu.

— Allons, je bavarde, fit-elle, et durant ce temps, rien ne se prépare pour te restaurer. Tiens, couche-toi un moment sur ce canapé ; je cours à ma cuisine.

Elle s’éloigna toute menue.