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Pourtant, à un moment donné, une ombre passa sur le beau visage de la jeune fille, et c’est avec un geste un peu las qu’elle reprit le panier fleurant bon.

— Allons Pataud, en route, murmura-t-elle. Oncle Joachim pourra trouver que nous nous sommes trop attardés. Il n’aime pas à être dérangé dans ses habitudes, l’oncle Joachim. Il déjeune à six heures, et à six heures précises ; si je ne suis pas arrivée à temps, il ne me ménagera pas ses reproches.

À ce moment de son monologue, Gilberte sursauta : une cloche tintait au loin.

— Grands dieux ! les derniers coups qui annoncent la basse-messe à l’église. Je suis un quart d’heure en retard. Mon oncle va être en colère ; ah bien, tant pis, j’y suis habituée.

Gilberte pressa le pas, et tout en marchant, elle s’associait, par la pensée au sacrifice divin qui commençait dans son église paroissiale.

Arrivée à proximité de la maison, Gilberte s’entendit appeler impérieusement par la voix coléreuse de son oncle. Ce cri discordant résonna comme un blasphème dans l’air tranquille et pur de ce beau matin de fin d’été, quand tout dans la nature, à cette époque de l’année, prend des poses recueillies devant les moissons mûrissantes ; il jeta du désenchantement sur tout ce qui entourait la jeune fille, tant il est vrai que l’âme des choses cesse de parler devant les laideurs humaines.

Courageuse, Gilberte répondit à l’appel. Sa voix douce remit tout en harmonie, et les oiseaux, branchés dans le gros saule près du perron, un moment effrayés, gazouillèrent de nouveau.