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Sœur Véronique resta silencieuse et triste. Elle revoyait les enfants dont elle avait assisté le départ, petits êtres effarouchés à la vue de ceux qui venaient les chercher pour remplacer auprès d’eux les lâches qui les avaient abandonnés. Parmi les figures enfantines qui passaient ainsi devant elle, une, bien expressive, la fixa soudain et la fit tressaillir. Elle se retourna du côté d’Étienne Bordier.

— Il y a eu ici une adoption dont je me souviens bien, et que met encore plus présent à mon esprit le nom que vous portez, mais il s’agit d’un enfant plus âgé que celui qui vous occupe.

— Mon nom ne vous est pas inconnu ?

— Un monsieur Bordier est venu chercher un enfant ici, il y a de cela… dix-neuf ans. Ce monsieur venait de Québec, et en vous regardant, je retrouve un peu ses traits.

— Il s’appelait Eustache, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Il est mon cousin, et vous dites qu’il a adopté un enfant…

— Oui. Un garçonnet de six ans. Je revois le cher mignon se jetant au cou de celui qui lui tendait les bras.

— Mon cousin est heureux, lui, et moi…

Un désir de mourir le saisit, et était-ce pour répondre à son souhait ? une douleur aiguë lui traversa la poitrine, il porta la main à son cœur, et se leva avec effort.

— Adieu, ma sœur, et encore une fois merci, fit-il oppressé.