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— Ah, il y a longtemps que nous n’avons pas fumé ensemble, dit Eustache en présentant des cigares à Étienne, qui en accepta.

Ils fumèrent un moment, en silence, rêveurs, regardant monter puis s’étendre autour d’eux la fumée odorante.

— Sur quel sujet allons-nous commencer à parler, demanda Eustache, il en abonde.

— Continuons notre conversation de tout à l’heure, si tu veux.

— Si je veux ! j’étais sur le point de t’entretenir de mon fils, alors, et, à propos, je ne te l’ai pas encore présenté.

Étienne éprouva une si grande joie à l’idée de voir son enfant, qu’il sentit son cœur faiblir. Eustache continua :

— Tu ne verras pas Paul en personne immédiatement, mais ça ne peut tarder, demain peut-être tu auras ce plaisir. Pour ce soir, contente-toi de regarder mon héritier sur ceci.

Eustache mit dans les mains tremblantes d’Étienne un portrait encadré sur lequel Paul Bordier souriait de toute sa jeunesse vigoureuse.

— Un beau gars, hein ! fit le mari de Jeanne, et déjà célèbre.

Mais Étienne ne l’écoutait pas. Hypnotisé par la belle reproduction des traits de son fils, il buvait des yeux, les yeux tout pareils à ceux de Gilberte, fixés sur lui, presque vivants. Soudain il frémit de tout son corps, et un sanglot vint s’écraser sur le verre poli du