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— J’ai trop hésité. Le fils naturel eût peut-être, sans le partager, accepté mon amour tardif, l’homme intact dans sa naissance ne le peut pas. La faute dont il portait le poids, le rapprochait en quelque sorte de la mienne. Libéré, il s’élance trop haut, je ne puis le suivre, parce que moi, je demeure captive de mon heure de folie.

Lorsque Paul eut fini de parler, Alix tendit la main, et le jeune homme la sentit froide dans la sienne.

— Soyez assuré, mon ami, que je remercie le ciel de tout cœur de sa clémence en votre faveur.

Puis se retournant du côté d’Étienne Bordier :

— Quoi que vous puissiez penser de moi, monsieur, ne doutez pas de mes sentiments qui me font me réjouir profondément de votre bonheur.

Étienne s’inclina.

— Je suis très touché, ma chère enfant, permettez que je vous appelle ainsi, et souvenez-vous que le bonheur n’entre jamais seul sous un toit.

Et il ajouta :

— D’après une entente convenue, mon retour reste le secret de la famille. Pour tout le monde, je suis le parent qui ayant amassé une petite fortune dans le Nord, vient finir tranquillement ses jours en pays civilisé.

Un silence suivit. Alix le coupa :

— Veuillez m’excuser, je me retire, vous avez encore tant de choses à vous dire… Bonsoir Paul, et bonsoir… père, dit-elle en s’éloignant.

L’architecte tendit les bras avec désespoir. Il comprenait trop ce qui se passait dans l’âme de sa femme.