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ta-t-elle en s’adressant à tante Marie, êtes-vous déjà allée à un de ces bals ?

— Oh non ! Tout au plus ai-je conduit quelques cotillons au temps de ma jeunesse, dit-elle en souriant.

— Bien moi, je suis allée à plusieurs de ces bals, et à l’un d’eux, surtout, je m’amusai comme un bossu. J’étais habillée en poupée hollandaise, fragile à souhait. Je fus poursuivie par un seigneur apoplectique qui voulait m’embrasser. Comme il allait m’atteindre, je lui jetai au visage toutes les dragées contenues dans une bonbonnière que je tenais à la main. Il en buta, le pauvre, et sa perruque lui tomba sur le nez, la couette en l’air. Il était chauve ! Que j’ai donc ri…

À propos, monsieur Bordier, minauda-t-elle en s’adressant à Étienne, est-ce au dix-sept ou au dix-huitième siècle que les hommes adoptèrent la mode du ruban pour s’attacher les cheveux…

— Oh, je ne saurais vous renseigner, mademoiselle.

— C’est au vingtième siècle reprit Gilles avec aplomb. Avant ce temps, les gentilshommes retenaient les poils de leur perruque poudrée avec les crins de la queue de leur coursier.

La vieille demoiselle bondit de son siège, pendant qu’on se mordait les lèvres pour ne pas rire.

— Gilles ! Gilles ! mais c’est infâme, irrévérencieux ! parler de la sorte d’une époque qu’ont connue tes aïeux !

— Que voulez-vous que j’ fasse ! Si l’on ne veut pas que l’on se moque des coiffures d’une époque, c’est à ceux qui y vivent de s’arranger les cheveux comme du monde.