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Page:Bricon - Prud’hon, Laurens.djvu/126

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PRUD’HON.

viennent de partout, il respira le véritable air ambiant et sut retenir de ses yeux et de son cœur ce qu’il voyait et ce qu’il sentait, manières d’être et de penser qui ne se transmettent point avec des leçons. Rome elle-même ne le modifia pas beaucoup plus qu’elle n’avait modifié Fragonard : il fut aussi fort qu’elle, et, y trouvant son bien, il se servit de l’antiquité, comme Chateaubriand. pour créer de la vie moderne, à une époque où la peinture de l’Ecole se plaisait à des parades, que David faisait magistrales, et la foule de ses élèves, ridicules. Appelé à vivre entre deux siècles, il fut riche de la grâce de l’un et de la tendresse de l’autre, prenant le flambeau de la course de la main, non de ses maîtres, mais de ses aînés, pour le passer plus tard à des mains plus jeunes. Il est bien, ce dont David s’égayait si fort, le Watteau de son temps : transformez la mentalité de l’époque, et, en pleine tradition nationale, Watteau sera Prud’hon. Plus près, il succède à La Tour, et aussi à Greuze qui ! dépasse. Puis, après avoir suivi, il précède, et, sans parler entre dix autres d’un Gérard, d’un Chassériau ou d’un Henner, on éprouve qu’il est vraiment un précurseur, — ce qui est la plus grande façon d’être un moderne, — en voyant peindre Fantin-Latour et les impressionnistes. Cela semble étrange chez un homme qu’on accusait de dédaigner la réalité, mais que vaut une telle accusation quand, au dire des élèves de David, il nous apparaît comme le peintre de l’atmosphère, cette chose subtile et merveilleuse que le nouveau siècle allait découvrir ? Fantin-Latour, plus que tout autre, par ses deux manières très distinctes nous dé-