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Page:Bringer - Le Mystère du B 14, 1927.djvu/41

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le mystère du b 14
Royaume-Uni… Et, il y a dix ans, quand il

expédia Milady, sans doute ne serait-il pas arrivé à ses fins, si quelqu’un de ma connaissance ne lui avait pas donné un bon coup de main…

Bradfort considéra l’homme qui parlait ainsi, et son regard louche cherchait à pénétrer cette âme qu’il devinait tortueuse.

L’autre, toujours flegmatique, continuait :

— Et, dans cette affaire, s’il n’avait pas présumé de ses forces s’il avait mis son vieux compagnon de la partie… elle serait gagnée à cette heure…

— Vous connaissez ce vieux compagnon ?

— Comme moi-même…

— Et vous croyez qu’il serait disposé…

— Une poignée de guinées donne du courage aux plus couards, à plus forte raison à un garçon qui a donné ses preuves…

Bradfort, la tête basse, fit deux ou trois fois le tour de la bibliothèque.

Enfin, s’arrêtant devant l’homme :

— Combien ?… demanda-t-il.

L’autre secoua la tête :

— Cela dépend…

— De quoi ?…

— De l’endroit où se trouve cette petite miss…

— Je ne vois pas.

— Si… Milord daignera comprendre… Dans toutes ces affaires, il faut toujours faire la part de l’aléa… Et Milord sait ce que je veux dire par ce mot… Ici, en Angleterre, l’aléa c’est la potence… en France, c’est la guillotine…Dans d’autres pays, il est moindre, la peine de mort y étant supprimée… Dans ces conditions… Milord comprendra que le prix dépend de l’aléa…

— Oui, c’est juste… Eh bien !… combien quand l’aléa se trouve être la guillotine ?

— Alors, c’est en France que se trouve la demoiselle ?

— Oui.

— Mais en France, encore y a-t-il des différences… Ainsi, en ville, les tribunaux sont plus sévères qu’à la campagne… et d’ailleurs la police y est tout de même mieux faite…

— C’est en ville…

— Une grande ville ?

— Une des plus grandes…

— Oh ! oh ! fit l’homme, qui parut s’abîmer dans des calculs.

Enfin :

— Milord… je me fais vieux… Je rêve depuis longtemps d’un petit cottage dans les environs de Grantham, mon pays natal… Je ne suis pas difficile, mais je voudrais avoir quelques rentes, et il m’a toujours paru qu’avec quatre mille guinées un homme peut être parfaitement heureux dans la paix des champs aux environs de Grantham…

— Quatre mille guinées !… s’exclama Bradfort.

— Bah ! qu’est-ce que quatre mille guinées pour Milord…

— Quatre mille guinées…

— Que Milord veuille bien penser ce qui lui resterait de sa fortune si cette petite miss avait le malheur de vivre longtemps.

Bradfort fit encore deux fois le Tour de la bibliothèque.

Enfin il revint vers l’homme :

— C’est bien… vous aurez vos quatre mille guinées… Je vais vous les faire compter.

— Mais l’homme se récria :

— Je suis un honnête garçon… Je ne veux pas être payé d’avance… Vous me verserez la somme quand l’enfant aura disparu et que je vous apporterai son extrait mortuaire…

— Si vous voulez…

— J’y tiens… Milord va comprendre… S’il m’arrivait malheur, cet argent serait perdu.

— Mais il vous faut une avance pour…

— Oh ! j’ai une petite réserve… Je ne suis pas sans ressources… Et si Milord veut m’indiquer où je trouverai sa chère petite cousine…

Bradfort se dirigea vers un panneau de la bibliothèque ; il fit jouer un ressort ; un tiroir apparut. Il y prit un papier qu’il tendit à l’homme.

— Voilà, fit-il. La petite miss se trouve à Lyon, dans un couvent des Dames de la Sainte-Enfance… Pour le reste, vous trouverez tout ce qui vous sera nécessaire sur ce papier… Allez… mais faites vite… Et réussissez… Ne faites pas comme cet imbécile de Joé…

— Milord peut compter sur moi, répondit l’homme. Dans six heures je serais en France. Demain à Lyon, et demain soir… je puis assurer à Milord qu’il pourra prendre le deuil de sa chère petite cousine…

— Dieu vous entende…, fit Bradfort.

Et l’homme partit.