Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute chose, fût-elle la plus mesquine, a une signification et est autre chose qu’elle ne nous paraît. Le Prince entre dans la vie quotidienne ainsi qu’en un monde vierge ; il y marche à travers des forêts de symboles dont la première tige est encore innommée ; et, seul, en face des questions, il les prend une à une et se les pose… Si tel objet n’est pas ce qu’il vous semble être, mais autre chose, et si le Prince découvre cette autre chose inconnue (qui est cet objet que vous croyez connaître) ; si, fort de sa certitude, il parle de cet objet que vous croyez connaître en termes se rapportant à ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire à cette autre chose que vous ignorez, vous ne vous entendrez avec le Prince qu’autant que vous irez comme lui jusqu’à l’essence, au lieu de vous arrêter à la surface des choses…

Les trois initiés. Cela est limpide…

L’épicier de lettres. Votre explication est sans doute fort ingénieuse. Mais (excusez mon infirmité !) il me semble que quelques nuages flottent encore autour de la vérité et la dérobent à ma faible intelligence. Ne pourriez-vous joindre la démonstration à la théorie et me citer au moins un exemple ?

Le symboliste. Il m’est aisé de vous satisfaire. Quel poème voulez-vous que je vous dise ?

Premier initié… La Pipe, d’une évocation meurtrie et, en sa chute, d’une inouïe tendresse !…

Second initié.… Le Phénomène futur où pleure un avenir qui est déjà le présent !…