Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/285

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la rue des Bons-Enfants. Il y apprit à frotter le parquet, à astiquer les plaques de cuivre (recouvrements-contentieux) et à flâner le long des rues, en colportant des feuilles de papier timbré. Il s’arrêtait de préférence devant les affiches de spectacle et rêvait d’être assez riche, un jour, pour se payer un fauteuil d’orchestre à la Comédie-Française. Il confiait ses aspirations et ses regrets à un gamin de son âge appelé Wisteaux, dont il avait fait la connaissance chez un commerçant du voisinage, et qui devait plus tard se faire connaître sous le nom de Mévisto. « — Veux-tu venir au Théâtre-Français ? lui dit Wisteaux. — Mais je n’ai pas le sou ! s’écria Antoine. — Il ne s’agit pas de donner de l’argent, mais d’en gagner. — Comment cela ? — On a besoin de deux figurants pour la première de Jean Dacier ; je connais le régisseur ; nous allons nous présenter. — Tu crois qu’on nous prendra ? — Pourquoi non ? Nous ne sommes pas plus mal tournés que les autres. — Et nous verrons Coquelin ? — Non seulement nous le verrons, mais nous pourrons lui parler. » C’est ainsi qu’Antoine fut admis à débuter chez Molière. Il n’en fallait pas tant pour éveiller sa vocation. Elle fut pendant longtemps contrariée. Il échoua au Conservatoire ; il dut partir pendant cinq ans sous les drapeaux, et se montra soldat modèle — à tel point que le général Deffis et le général Philibert le choisirent comme secrétaire. À son retour, il entra chez Firmin-Didot, et à la Compagnie du gaz, où il devint commis, aux appoin-