Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/287

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ce que Paris compte de gloires. Très peu d’hommes illustres répondirent à son appel. La critique était représentée par Henry Fouquier, Lapommeraye et Maurice Drack. Par une noire malchance, Francisque Sarcey se trouvait à Bruxelles, et ne put assister à cette inauguration. Avant le lever du rideau, Antoine décida que le Cercle Gaulois changerait son titre et s’appellerait désormais le Théâtre en Liberté. Dans ce berceau naquit le Théâtre-Libre, dont les destinées devaient être si bruyantes...

Ce fut une étrange soirée que cette soirée de début. Rien n’était prêt ; il semblait qu’un mauvais sort voulût faire sombrer la tentative dans le ridicule. Un jeune élève du Conservatoire, M. Burguet, est chargé de dire le prologue d’ouverture ; il se trouble, balbutie et reste bouche bée devant l’auditoire, qui commence à ricaner. Antoine découvre au dernier moment qu’on a oublié d’installer sur la scène un fauteuil, — accessoire essentiel. Il court chez un brocanteur du boulevard de Clichy, loue pour deux francs un horrible siège recouvert de reps bleu et l’apporte lui-même sur la tête, en courant à perdre haleine. Enfin, tant bien que mal, la représentation s’achève. Le public, d’abord gouailleur, se laisse prendre à la flamme de ces artistes improvisés. Jacques Damour obtient un succès de larmes. M. Porel, qui avait refusé la pièce, la redemande. Et le surlendemain, Émile Bergerat annonce aux lecteurs du Figaro la fondation de ce théâtre, qu’il baptise,