Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Jules Janin !… — J’espère bien gagner davantage ! — Jeune présomptueux ! — Alors c’est un refus ? — Catégorique ! » Aurélien, qui n’était pas patient, — c’est là son moindre défaut ! — résolut de prendre la poudre d’escampette. Mais où trouverait-il l’argent nécessaire à ce coûteux voyage ? Il avait bien une tirelire où sa mère glissait une pièce de cinq francs chaque fois qu’il consentait à « se purger ». Il se purgeait rarement et cassait souvent la tirelire. Il vendit ses dictionnaires, ses livres de classe. Il désespérait de réunir le magot rêvé, et maudissait la barbare tyrannie qui écrasait dans l’œuf sa vocation, lorsque sa sœur vint à son secours. Elle admirait Aurélien, elle partageait ses espérances. Elle lui dit : « Veux-tu mes économies ? J’ai six cents francs dans le fond de ce tiroir. Tu me les rendras quand tu pourras ! » Scholl embrassa la chère enfant en versant des pleurs de reconnaissance, et s’occupa de tout préparer pour sa fuite. Il acheta une malle qu’il déposa chez Léopoldine, y empila son habit noir, ses bottines vernies (il comptait se répandre à Paris dans la haute société) ; quelques chemises fraîchement blanchies (Léopoldine y avait mis tout son cœur) ; il s’assura d’une place sur la diligence. Et fouette cocher ! Trente-six heures plus tard, il débarquait rue du Bouloi, où les voitures publiques de Laffitte et Gaillard avaient leur remise. Les trente louis de la petite sœur étaient légèrement écornés. Mais Scholl se sentait un courage à toute épreuve. Il