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PHILOSOPHIE ANCIENNE

sciences elles-mêmes le dernier terme, qui est appelé lui aussi μαθήμα (211, C). C’est la science du beau qui est la beauté même. Les mots qui reviennent le plus souvent dans ce passage célèbre sont : savoir, voir, regarder, contempler. En d’autres termes, la contemplation purement intellectuelle est toujours aux yeux de Platon la forme la plus parfaite de la vie. L’amour est un conducteur qui nous amène jusqu’à ce terme suprême, mais quand nous y parvenons son rôle est achevé. Il n’a plus qu’à se retirer pour faire place à ce qui est plus noble et plus divin que lui, l’intuition pure de la raison. Le philosophe mathématicien, le législateur de la République et des Lois n’est pas en désaccord avec le poète du Banquet.

Cette interprétation est d’ailleurs confirmée, sans qu’il soit besoin d’insister sur un rapprochement si évident, par le passage souvent cité du Phèdre (247, B), où le philosophe nous représente les âmes, à la suite du cortège des dieux, contemplant en dehors du ciel les essences éternelles. Même doctrine encore dans le texte si connu qui termine le sixième livre de la République. Le dernier terme est toujours une science, une connaissance, une pure contemplation. L’Idée du beau elle-même n’est qu’un aspect de l’Idée suprême, l’Idée du bien, qui est fort élevée au-dessus d’elle : principe ineffable de toute connaissance comme de toute réalité. Partout, on le voit, Platon reste fidèle à la même doctrine. L’amour a terminé son œuvre quand il nous a amenés au seuil de la vérité ; le sentiment n’est qu’un moyen pour s’élever à la pensée : il ne la remplace ni ne l’égale. Platon demeure un pur intellectualiste.

Quant au texte du septième livre de la République (518, C), l’interprétation qu’on en a donnée repose sur une simple méprise. Si on veut bien lire le passage tout entier, on y verra que Platon n’a pas un instant songé à considérer le sentiment comme un élément de la croyance ou de la connaissance.

Quand on veut bien voir le soleil, il faut tourner vers lui son regard et pour cela faire exécuter au corps tout entier un mouvement de conversion. De même, pour contempler le soleil du monde intelligible, il faut diriger vers lui l’œil de