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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

hypothèse, Platon, en attribuant au non-être une certaine participation à l’être, anticipe sur la solution qu’il présentera avec tout son développement dans le Sophiste ; c’est pourquoi nous avons pu dire qu’en formulant l’objection il en indique plus qu’à moitié la solution.

Passons maintenant au deuxième cas : la démonstration toute négative sera beaucoup plus simple. N’oublions pas que désormais nous prenons les mots au sens absolu et qu’en disant : l’un est, ou l’un n’est pas, c’est l’unité elle-même et non pas l’être ou le non-être, c’est l’unité sans participation que nous avons en vue. D’abord, première hypothèse (137, C ; 142, B) : l’un est, mais sans participer à l’être, c’est l’un un. Platon démontre que l’un ne participe à aucun des contraires, il n’a pas de parties et il n’est pas un tout, il n’a aucune détermination, il n’est ni semblable ni dissemblable, ni égal ni inégal, ni en mouvement ni en repos, ni dans le temps ni dans l’espace, il n’est ni ceci ni cela ; bref, on ne peut rien dire, il n’est l’objet ni de science ni d’opinion, ni de sensation ni de discours : il est un pur néant.

Dans la quatrième hypothèse (159, B ; 160, B), l’un existe sans participer à l’être, il s’agit de savoir ce qui advient des autres choses. Ce qui est autre est absolument autre, il n’y a rien en quoi l’un et les autres choses puissent se rencontrer. Elles n’ont donc pas de parties, elles ne forment pas un tout, elles n’ont pas de nombre puisqu’elles sont étrangères à l’unité ; par suite, elles n’ont aucune qualité et ne sont ni semblables ni dissemblables, ni égales ni inégales, ni grandes ni petites, ni en mouvement ni en repos, elles ne deviennent ni ne périssent, on n’en peut rien dire.

Supposons avec la sixième hypothèse que l’un n’est pas sans admettre aucune participation avec l’être, qu’en résulte-t-il pour lui-même ? Il s’ensuit plus clairement encore que, dans la première hypothèse, toute communication étant rompue entre l’un et l’être, qu’il n’est ni semblable, ni grand ni petit, ni en mouvement ni en repos, on ne peut le désigner par ces mots ceci ou cela, avant ou après, ni rien de semblable. Bref, il n’est l’objet d’aucune opinion, d’aucune science, d’aucune sensation, d’aucun discours. Voilà ce qui résulte de l’hypothèse pour l’un lui-même.