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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

sophes, que Platon désigne seulement par ce mot : « amis des Idées (248, A) », soutiennent que l’être est incorporel : leurs raisonnements réduisent en poussière cette réalité corporelle que les fils de la terre croyaient saisir : il n’existe que des formes incorporelles et purement intelligibles. Ils distinguent le monde du devenir, connu par la sensation, et le monde intelligible, que seule peut atteindre la raison. Nous ne discuterons pas ici la question de savoir quels sont ces philosophes « amis des Idées » ; on a cru longtemps qu’il s’agissait des Mégariques : c’est une opinion qu’il est bien difficile de soutenir après la critique de Gomperz. Il ne l’est pas moins d’admettre avec cet historien qu’il s’agit de Platon lui-même dans sa première manière : on verra tout à l’heure pourquoi. Laissons de côté cette question, si intéressante qu’elle soit, puisque, après tout, elle est en dehors du problème purement dialectique que nous essayons d’éclaircir. Quels qu’ils soient, ces philosophes refusent d’admettre la définition de l’être qui vient d’être posée : ils veulent bien accorder que tout ce qui devient agit ou pâtit, mais quand il s’agit de l’être lui-même ou des Idées, il n’en est plus de même, car les Idées sont absolument immuables. Cependant ils accordent que l’âme connaît le devenir par les sens et l’être par la raison : cette communication n’implique-t-elle pas une action et une passion ; si l’âme connaît, ne faut-il pas qu’il y ait quelque chose qui soit connu ? si l’être est connu, ne faut-il pas, par là même, qu’il subisse une passion et par conséquent soit en mouvement ? Vient ensuite un nouvel argument ; mais ici il nous faut interrompre cette analyse pour essayer d’éclaircir un passage bien obscur qui a donné lieu aux controverses les plus graves, et dont l’importance est capitale non seulement pour la question qui nous occupe, mais pour l’interprétation du platonisme tout entier. — Voici d’abord le texte de ce passage : « Mais quoi, par Jupiter ! nous laisserons-nous facilement persuader qu’en réalité à l’être absolu, τῷ παντελῶς ὄντι, n’appartiennent ni le mouvement, ni la vie, ni l’âme, ni l’intelligence ; mais que, auguste et vénérable, dépourvu de pensée, il est immobile et toujours en repos (248, E) ? » Il est tout naturel de penser que l’être absolu, τὸ παντελῶς ὄν, dont parle ici Platon, désigne les Idées : et