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PHILOSOPHIE ANCIENNE

L’existence du non-être une fois établie, toutes les difficultés que nous avons rencontrées sur notre route deviennent aisées à résoudre. D’abord la question si controversée de l’erreur se rattache étroitement à celle du non-être. Le discours ou la proposition sont quelque chose de réel : comme tels ils contiennent de l’être et du non-être. Pas plus quand il s’agit du discours que quand on parle de l’être, on ne peut considérer les éléments dont il se compose comme isolés et indépendants les uns des autres. Une série de noms, une série de verbes n’offrent pas de sens et ne constituent pas un discours : il est nécessaire d’unir les uns avec les autres comme nous avons vu tout à l’heure qu’il est nécessaire d’unir les genres entre eux. Mais dans les deux cas cette combinaison peut être ou ne pas être correcte. Elle sera correcte si on dit par exemple : Théétète est assis ; elle ne le sera pas si l’on dit : Théétète vole. En exprimant ce dernier discours, on dit quelque chose puisqu’on parle de Théétète, et voilà ce qui donne satisfaction à l’objection du Sophiste, mais on dit quelque chose qui n’est pas, c’est-à-dire autre chose que ce qui est, et cela est possible, puisque le non-être ne diffère pas de l’autre. Le Théétète avait prouvé que l’erreur ne consiste pas dans la simple méprise, c’est-à-dire à confondre une chose avec une autre, ce qui est toujours impossible ; elle consiste à unir d’une manière incorrecte une chose avec une autre. L’erreur ne se produit jamais dans la connaissance directe d’une idée ou d’une chose, mais seulement dans la combinaison ou la synthèse de deux idées ou de deux choses, et cette proposition est devenue par la suite une vérité banale ou un axiome évident. La possibilité de l’erreur une fois établie, il s’ensuit qu’il peut y avoir un art de fabriquer des simulacres ou des fantômes, et ainsi la définition du Sophiste proposée tout à l’heure se trouve justifiée.

L’existence de l’erreur n’est pas la seule difficulté que résoud l’argumentation du Sophiste ; Platon indique en passant, d’une manière indirecte et par allusion, la solution de tous les problèmes antérieurement posés.

Nous avons déjà montré, en terminant l’étude du Parménide, comment la dernière et la plus grave des objections soulevées par ce dialogue, c’est-à-dire l’impossibilité de la