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XIII
INTRODUCTION

moment, il poussait plus loin la critique de l’empirisme anglais en soutenant avec vigueur que le même mot « association », également appliqué aux rapprochements par contiguïté et aux rapprochements par ressemblance, dissimule fâcheusement une dualité essentielle, que la perception d’une similitude, action très proche en effet des opérations supérieures de l’esprit, n’est pas une association, tandis que l’association par contiguïté, seul type de l’association enfermée dans les limites des expériences particulières, est beaucoup trop éloignée des opérations supérieures de l’esprit pour pouvoir en rendre compte[1]. Si porté que fût Brochard à ne point mettre la connaissance en dehors des faits, il était encore moins enclin à méconnaître la valeur propre de ces cadres et de ces formes qui, disait-il, donnent à la pensée l’ordre et la régularité ; seulement il n’admettait point que les principes de l’entendement pussent servir de justification à des tentatives de métaphysique dogmatique, et il persistait à les regarder comme incapables de déterminer par eux seuls des certitudes positives sans l’intervention de la croyance volontaire[2]. Comment la raison ne se serait-elle pas rendue depuis longtemps à l’évidence, si l’évidence était irrésistible ? Et d’où pourraient bien venir les contradictions des systèmes, comme aussi l’existence de l’espèce de philosophie qui se fait un jeu et une arme de ces contradictions, à savoir le scepticisme ?

« L’École pyrrhonnienne, avait dit Renouvier, est la preuve vivante du rôle de la volonté dans la certitude[3]. » L’étude des positions et l’analyse des arguments de l’école pyrrhonnienne avaient déjà de quoi attirer Brochard par la confirmation qu’elles pouvaient apporter à ses vues sur le caractère de l’assentiment ; mais elles méritaient aussi d’être entreprises pour elles-mêmes, et elles ne manquèrent pas de susciter dans son entier l’historien de la philosophie qu’il n’avait été jusque

  1. De la Loi de similarité dans les associations d’idées, p. 446-461.
  2. De la Croyance, p. 462-488.
  3. Essais de Psychologie, t. II, p. 200.