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PHILOSOPHIE ANCIENNE

s’il commence par le faux pour finir par le faux : si la terre vole, elle a des ailes ; — s’il commence par le faux pour finir par le vrai : si la terre vole, elle existe. Il sera faux si, commençant par le vrai, il finit par le faux : s’il fait jour, il fait nuit. Cette théorie avait le tort de confondre la vérité réelle et la liaison logique, ou, comme disent les modernes, la logique de la conséquence et la logique de la vérité. Diodore n’eut pas de peine à montrer l’insuffisance du critérium de Philon. D’après ce critérium, en effet, cette proposition : S’il fait jour, je discute, sera vraie au moment ou je discute, car elle est fausse à d’autres moments. Bien plus, ce συνημμένον : S’il fait nuit, il fait jour, faux selon Philon, sera vrai quand il fait jour, puisque, commençant par une proposition fausse, il finit par une vraie. Aussi faut-il, selon Diodore, modifier le critérium de Philon, et dire qu’un συνημμένον est correct quand il n’est pas et n’a jamais été possible que, commençant par une proposition vraie, il finisse par une fausse.

Dans cette critique, on voit que Diodore joue sur le sens du mot ἀκολουθῆ, qui peut signifier soit une simple consécution empirique, soit une connexion nécessaire. Au vrai, c’est dans ce dernier sens, les exemples invoqués par lui en sont la preuve, que Philon l’entendait. Mais la formule employée par lui avait le tort de s’appliquer aux simples successions dans le temps : c’est ce que Diodore fait justement remarquer. Il ne suffit pas que deux propositions soient vraies, ou fausses, ou l’une fausse et l’autre vraie, pour qu’il y ait entre elles la liaison qui constitue le συνημμένον. Il faut un lien plus étroit : il faut une véritable nécessité.

La correction de Diodore semble fort raisonnable. Nous voyons pourtant par le texte de Cicéron déjà cité (Ac., II, 143) que Chrysippe ne s’en était pas contenté. Il n’est peut-être pas fort difficile de deviner pourquoi. La théorie de Diodore sur le συνημμένον se rattache très vraisemblablement à sa doctrine des possibles, et nous savons que Chrysippe l’a vivement combattue (Zeller, IV, p. 108, 3). La possibilité, selon Diodore, ne se distingue pas de la réalité. Tout ce qui n’arrive pas n’a jamais été possible. En d’autres termes, il règne dans l’univers une nécessité absolue. La possibilité ou l’impossibilité d’un événement est rigoureusement déterminée