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IV

LE DIEU DE SPINOZA



Il est difficile, quand on passe de la lecture de l’Éthique à celle du Traité théologico-politique, de se défendre d’un sentiment de surprise et de ne pas éprouver quelque embarras. Dans le dernier de ces ouvrages, en effet, Dieu nous est représenté comme communiquant avec les hommes par l’intermédiaire des prophètes et de Jésus-Christ. Il s’intéresse à leur sort, il dirige leurs destinées, en un mot, c’est le Dieu de la tradition judéo-chrétienne, ou, pour me servir d’une expression qui n’est pas du langage de Spinoza, mais que je demande la permission d’employer parce qu’elle est plus commode et plus claire, c’est un Dieu personnel. Je suis loin de prétendre que cette conception soit en contradiction avec celle de l’Éthique, et même le présent travail a pour objet de mettre en lumière l’identité de doctrine entre les deux principaux ouvrages de Spinoza. Mais on accordera sans doute que le Dieu du Traité n’apparaît pas au premier coup d’œil comme identique à la substance infinie, au Dieu immuable et impassible tel qu’il est défini dans l’Éthique. Il n’y a pas lieu pour expliquer cette différence d’invoquer des dates, de supposer que les deux livres aient été composés à des époques différentes et que le philosophe ait modifié ses opinions aux divers moments de sa vie. Tous deux, en effet, appartiennent à la même période, le Traité ayant été publié en 1670 et