Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/369

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335] La Révélation elle-même a été transmise par les prophètes, et ceux-ci se distinguent par un triple caractère : d’abord la vivacité de leur imagination, puis les signes qu’ils ont donnés, enfin la pureté de leurs mœurs. Les signes ou preuves varient, d’ailleurs, selon les auditeurs auxquels ils s’adressaient et aussi selon le tempérament, l’éducation ou l’intelligence des prophètes. Ils consistaient surtout en prédictions de l’avenir. Spinoza n’admet pas que les prophètes aient jamais justifié leur mission par des miracles et il s’élève avec force contre une telle théorie. Il n’y a point de dérogation aux lois de la nature, qui, la raison nous l’apprend, dérivent nécessairement de l’essence de Dieu. Ceux qui ont cru reconnaître des miracles ont été dupes d’une illusion ou ont pris pour des exceptions des événements qu’ils étaient incapables d’expliquer. Mais Spinoza semble admettre la possibilité de la prédiction de l’avenir ; il n’est pas contradictoire que des esprits privilégiés soient avertis à l’avance et pressentent, sans d’ailleurs les comprendre, des événements que le cours nécessaire de la nature doit amener un jour. Ici, comme dans le stoïcisme, le déterminisme fournit un moyen d’expliquer la divination et la prédiction des futurs, contingents en apparence, nécessaires en fait. Toutefois ces deux premiers caractères ne suffisent pas à distinguer les vrais prophètes. Il y en a de faux, également remarquables par la vivacité de leur imagination et par leurs prédictions, que Dieu lui-même suscitait pour tenter son peuple ; ce qui appartient en propre aux vrais prophètes, c’est la pureté de leurs mœurs et le fait qu’ils conforment strictement leur conduite aux règles de la plus sévère morale. Ils ont l’âme naturellement inclinée à la vertu et au bien, et quiconque ne remplit pas cette condition est un imposteur.

Il y a donc deux sortes de certitudes, l’une mathématique ou rationnelle, l’autre morale, indépendantes l’une de l’autre, légitimes toutes deux, quoique de valeur différente : « Par [336]