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NOTICE SUR LA VIE ET LES ŒUVRES

à la bataille de Champigny. À la manière dont M. Bouillier raconte les actes dont il fut le témoin, à l’émotion qui anime ces pages d’un accent très simple et sincère, on sent combien il était fier de leur conduite. L’accord fut ainsi pleinement rétabli ; s’il avait eu quelque chose à dire de leurs têtes un peu promptes, il n’eut jamais rien à reprocher à leurs cœurs. Il n’est personne, parmi ceux qui connurent alors M. Bouillier, qui n’ait gardé envers le Directeur de 1870 un souvenir reconnaissant, un sentiment de profonde et respectueuse estime.

Dès la chute de l’Empire, M. Bouillier avait donné sa démission ; mais en attendant qu’il fût remplacé, il avait des devoirs à remplir. L’École normale avait été transformée en ambulance. Elle était pleine de blessés ; dès le premier jour du bombardement de Paris, plusieurs obus s’étaient abattus sur elle et avaient percé les murailles. On avait dû descendre les malades aux étages inférieurs, il fallait continuer de veiller sur eux. M. Bouillier a raconté aussi les nuits sinistres du bombardement, alors qu’on entendait à chaque minute le sifflement des obus, le bruit de leur chute et le fracas des maisons effondrées, tandis que le Directeur, aidé du personnel de l’École et de tous ceux qui n’étaient pas à l’armée, se tenaient prêts, à la moindre alerte, à venir en aide aux blessés, à éteindre l’incendie, à préserver la bibliothèque et les collections. Mais ce que sa modestie n’a pas assez dit, c’est combien il donna lui-même l’exemple du courage infatigable et du dévouement. Dans ces jours d’épreuve, la fermeté habituelle de son caractère s’éclairait d’un rayon de bonne humeur qui réconfortait et ranimait la confiance autour de lui. Il a rempli tout son devoir, et il raconte lui-même avec une juste fierté qu’en 1872, à la séance de rentrée, lorsque M. Jules Simon, alors ministre, rappela ses services, la salle entière éclata en applaudissements.

Après la guerre et la Commune, M. Bouillier reprit ses fonctions d’inspecteur général de l’Université ; mais il ne les exerça pas longtemps. Dès 1879, un arrêté du ministre de l’Instruction publique, M. J. Ferry, le mettait brusquement à la retraite. Sous la République comme sous l’Empire, M. Bouillier avait gardé son franc-parler. Il n’approuvait ni les tendances du gouvernement, ni les réformes qui avaient été introduites dans l’enseignement, et il manifesta tout haut son mécontentement. On avait pensé peut-être qu’il était hasardeux de confier le soin d’appliquer des méthodes nouvelles à ceux qui les désapprouvaient hautement, et c’est pourquoi on s’était privé de ses services. M. Bouillier n’accepta pas sa disgrâce sans protestations.