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L’ŒUVRE DE SOCRATE

à la raison. Et dans l’un et l’autre cas les deux philosophes ont dû briser le cercle étroit du « γνῶθι σεαυτόν », s’élever au-dessus de la considération des choses purement humaines et pénétrer plus avant dans la connaissance psychologique et métaphysique de l’être. C’est précisément ce que Socrate ne pouvait ou ne voulait pas faire, et c’est pourquoi son œuvre devait rester incomplète. Il y avait contradiction entre l’idée que Socrate s’était faite de la science et les moyens dont il disposait pour constituer cette science.

Mais si Socrate a, en dernière analyse, partiellement échoué dans l’œuvre qu’il avait entreprise, ce n’est pas pour lui un mince honneur d’avoir le premier compris ce que devait être la science morale et d’avoir posé les premières pierres de l’édifice que ses glorieux disciples devaient achever. Ainsi s’explique et se justifie la grande place que Socrate occupe dans l’histoire de l’esprit humain, et l’admiration que tant de générations successives lui ont témoignée.