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PHILOSOPHIE ANCIENNE

paraît mythique du commencement à la fin, et, en un sens, il est impossible de contester qu’il le soit. Platon lui-même, à chaque instant et avec un parti pris évident, nous avertit qu’il parle selon la vraisemblance et qu’il n’a pas la prétention de nous révéler la vérité absolue et définitive. Si pourtant ce dialogue ne contenait pas une partie importante des doctrines de Platon, et s’il ne se rattachait pas étroitement à sa philosophie, comment comprendre que le philosophe ait écrit par amusement un travail de cette étendue. Le badinage serait un peu long. Il est aisé de voir d’ailleurs que, dans ce dialogue écrit vraisemblablement dans sa vieillesse, Platon a consigné les résultats de très longues et très nombreuses recherches. Ce n’est visiblement pas l’œuvre d’un jour, mais au contraire le résultat de patientes études. L’auteur nous le dit lui-même. À plusieurs reprises il parle avec fierté de son œuvre et se vante d’être le premier qui ait écrit sur la nature un ouvrage d’une telle importance, et en quelques endroits, notamment 51, D, et dans toute la discussion qui suit, il semble mettre les philosophes au défi de trouver des explications plus plausibles que la sienne. Et on ne peut pas dire qu’il ait tort, car il est bien évident que, malgré ses imperfections et les nombreuses erreurs qu’y peut relever la science moderne, le Timée marque un progrès notable sur tous les traités antérieurs de la « Nature ». C’est une œuvre, dans la pensée de l’auteur, non de fantaisie, mais de science. C’est bien ainsi que l’entend Aristote, qui le discute fort sérieusement ; et, dans la suite, le Timée est resté un des ouvrages qui ont exercé le plus d’influence sur les destinées de l’esprit humain : il a été considéré jusqu’au moyen âge comme le bréviaire de la science physique.

Tout porte donc à croire que, dans la pensée de son auteur, le Timée n’est pas un simple amusement et qu’il doit y avoir un lien étroit entre la physique qu’il expose et la théorie des Idées. Il nous semble que ce lien existe et que même il n’est pas difficile de le montrer.

Il faut remarquer, en effet, que, si Platon a le premier peut-être nettement défini la science et l’a distinguée de tout autre mode d’affirmation, il fait aussi, dans son système, une part très large à l’opinion, δόξα. C’est ce qu’on voit avec la dernière