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de l’erreur

recherche spéculative, ne pouvaient accepter cette proposition avec son corollaire nécessaire : rien n’est mauvais. — Pourtant, leur doctrine semblait les y contraindre.

Socrate, il est vrai, s’aperçoit que tous les actes de l’esprit ne sont pas également capables d’atteindre la réalité : il refuse d’accorder aux sophistes que la sensation soit la mesure des choses. Ce sont les idées générales, les concepts, qui représentent ou qui sont pour lui la véritable réalité. Mais ces concepts, c’est par une opération toute logique, la définition, que nous les déterminons. Socrate reste fidèle au point de vue de la philosophie ancienne ; il n’y a dans la réalité rien de plus et rien d’autre que dans la pensée.

Quant à Platon, s’il réalise dans les idées les essences que Socrate n’avait point posées comme séparées[1], les idées ne sont connues et n’existent pour nous que dans les concepts qui les représentent ; elles ne sont que ces concepts objectivés. Antérieures aux concepts dans l’ordre de l’existence, elles leur sont postérieures dans l’ordre de la connaissance. Avant d’être réaliste, Platon est conceptualiste comme Socrate : il complète la doctrine de son maître, mais sans altérer ce qu’il en conserve.

C’est donc toujours sans sortir de lui-même et par sa vertu propre que l’esprit découvre la vérité[2]. En

  1. Arist. Mét., XIII, 4, 107, et Β, 30.
  2. Phil. 65, D. — A. Fouillée, Phil. de Platon, liv. VI, ch. iii.