Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
QUATRIÈME PARTIE

monsieur dormit dans un fauteuil. Dans la journée nos hôtes importuns iront à leur service, alors nous pourrons parler.

Le lendemain, lorsque les Prussiens furent sortis, Madame Chevrier me proposa d’aller, avec moi, trouver mon mari, lequel ne sortait qu’une fois par semaine.

— Mais où est-il ? lui demandai-je.

— Vous ne le devineriez jamais.

— Enfin, où est-il ?

— Au couvent.

(En effet l’idée ne me serait jamais venue d’aller le chercher au couvent.)

Lui-même vous racontera ce qui s’est passé, ici l’on ne peut parler librement de toutes ces choses.

Nous partîmes donc pour le couvent, lequel était situé dans une petite rue transversale, aboutissant au quai de la Loire. Dans cette rue mal pavée (comme toutes les rues de la ville, sauf les rues centrales), se trouvait le couvent, grand bâtiment très vieux, aux hautes murailles grises, salies par le temps ; au centre une porte immense et dans un panneau une petite porte grillée, qu’on ouvrait de l’intérieur lorsque quelqu’un sonnait. Au dessus du portail, il y avait le drapeau de la Convention de Genève, ou de la Croix-Rouge, au-dessous écrit en gros caractères : « Ambulance allemande ». Nous étions arrivées, nous sonnâmes à la porte, on ouvrit ; Madame Ch. présenta sa carte, disant qui j’étais ; nous fûmes introduites au parloir.

Un moine nous parla très aimablement, m’expliqua qu’il fallait être discrète et très prudente, que le couvent