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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

elle était démantelée, il ne restait plus debout qu’un pan de mur, se soutenant à peine ; la flamme était si intense, éclairant l’espace d’un cercle lumineux, ce qui nous permit de voir, non à la lueur des flambeaux, mais aux reflets de l’incendie, nos désastres, et quel désastre, nos blessés et nos morts. Cette lumière fantastique se projetait sur les remparts, d’où l’on voyait nos silhouettes s’agiter sans cesse comme dans un tableau magique.

Nous attendions le jour avec impatience.

Malgré nos malheurs nous avions toujours un mot heureux pour soutenir notre courage.

Nous nous occupions de nos blessés et de nos morts que nous fîmes transporter à la mairie de Neuilly, laquelle était transformée en ambulance.

Après le devoir accompli vint le jour ; nous prîmes quelque nourriture, nous fîmes du café pour nous réchauffer, car quoi qu’on en ait dit, il n’y avait que peu de buveurs au bataillon. J’avais du cognac que ce qu’il me fallait pour ranimer nos blessés et nos mourants.

Enfin dans l’après-midi, nous prîmes un peu de repos, autour de nous tout semblait calme, nous nous couchâmes sur la terre pour y dormir. Moi-même je m’y suis installée tant bien que mal, un camarade me prêta son sac pour oreiller, pour m’élever la tête et un autre me couvrit de sa couverture.

J’étais si fatiguée que je m’endormis profondément. Les sentinelles montaient leur faction sur le rempart.

Le capitaine Letoux demanda des hommes de bonne