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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

avions marché un quart d’heure lorsque nous entendîmes une fusillade des plus nourries. Tout le monde se ranima, la tristesse qui planait un moment sur les esprits disparut complètement, pour faire place à l’enthousiasme, on ne pensait même plus à la défectuosité de l’armement. « Nous allons donc venger nos frères qui ont déjà succombé, » s’écrient-ils tous ensemble !

Chemin faisant nous rencontrâmes quatre individus à l’air suspect qui se dirigeaient du côté de Paris, un de nos capitaines leur demanda à quel bataillon ils appartenaient.

— Nous sommes neutres, répondirent-ils.

— Si vous êtes neutres, pourquoi vous dirigez-vous de ce côté et ne restez-vous pas en sûreté ? Où demeurez-vous ?

Ils ne voulurent pas répondre à cette question. Ils furent arrêtés, on supposa que c’étaient des espions. Quelques heures plus tard, ils furent mis en liberté.

Nous arrivâmes à la rue d’Issy criblée d’obus, nous prîmes place au grand séminaire. Il pouvait être 3 heures et demie de l’après-midi, nos vivres n’étaient pas encore arrivés et nous avions faim. Dès que nous fûmes à peu près installés, quelques-uns d’entre nous se mirent en route pour acheter quelque chose pour manger, car nous n’avions rien pris avant de quitter Paris ; il fut difficile de se procurer quelque nourriture, les habitants du village nous étaient hostiles ; même avec de l’argent, on ne pouvait rien se procurer, quelques-uns cependant avaient trouvé des denrées.