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SIXIÈME PARTIE

— Chez ma mère, lui répondis-je.

— Fiens ici que che de vouille, mondre moi des mains.

Dans mon for intérieur, je me disais : « cette fois ça y est ! » L’instinct de la vie me donne de l’audace ; résolument, je me prête à l’inspection, je lui montre mes mains, elles n’étaient pas poudreuses ; il fouille dans mes poches, il y trouve un petit carnet, dans lequel j’avais inscrit les faits les plus marquants depuis les évènements. J’avais une peur bleue qu’il me fouillât davantage et qu’il découvrît mon drapeau et mon poignard. J’eus l’intention, le cas échéant de les défendre chèrement, à ce moment là j’aurais tout osé. C’était la seule chose qui me restait à perdre. La vie, je n’y tenais guère.

L’agent de police me remit mon carnet ; et voyant mon calme, me dit : « Fas de vaire bendre ailleurs ! » Si cet homme avait su lire en français, assurément il ne m’aurait pas laissée partir.

Très calme, je poursuis ma route sans me précipiter[1].

J’arrive à la rue de Rivoli. Le quartier est bien différent de celui de Belleville où nous étions sympathiques. Une foule hurlante criait : « À mort les bandits ! » On désignait tout particulièrement dans un défilé de prisonniers, un homme grand et fort, à l’air audacieux, bravant du regard cette foule ignoble ; quelqu’un dit :

  1. Les agents de police ayant été incorporés dans les régiments par la contre-révolution ; on avait embrigadé les Alsaciens et les Lorrains ayant opté pour la France. Ils furent enrôlés pour le service de police, ils comprenaient à peine le français.