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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

me battait à se rompre, mais je ne pouvais plus hésiter. On m’ouvre, c’était M. Noël ; je lui dis que j’ai lu l’affiche et je viens me présenter.

Il me questionne sur ce que je sais faire, me demande où j’avais travaillé. Il s’aperçoit de mon embarras, alors il me dit : « Repassez lundi et nous verrons ». Ce « nous verrons » c’était le doute, ce mot retentissait en mon cœur comme un glas funèbre, je ne pouvais plus vivre d’incertitude, coûte que coûte je lui raconte mon histoire.

— Monsieur je vous ai tout dit. Voulez vous expérimenter ce que je peux faire, vous me payerez ce que vous voudrez, et si dans une semaine vous n’êtes pas satisfait, vous ne me garderez pas. Mais si je ne trouve pas de travail ici, j’irai me rendre ; je ne puis plus vivre dans les conditions où je suis, je n’ai pas même de lit pour me coucher.

Il réfléchit un instant et me dit :

— Venez demain matin, je vais en parler à ma femme et tout pourra s’arranger.

Le lendemain à huit heures du matin, je me rendis chez M. Noël. C’était un samedi, je m’en souviens. Cette première journée se passa assez bien ; depuis de longs mois j’avais une vie errante, il m’était pénible de rester assise ; le temps me parut lent. Monsieur et Madame m’invitèrent à dîner avec eux, puis me dirent qu’ils m’avaient préparé un lit pour le soir, que cela irait très bien si je n’ai pas d’objection à coucher dans l’atelier, qu’il n’y avait jamais personne après 7 heures dans cette pièce.