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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

grâce aux montagnes de cadavres amoncelés pendant dix ans de luttes homicides sous le règne de son oncle, en attendant qu’un beau soir dans un guet-apens, lui-même étranglât la République… comme son oncle. Tuant, proscrivant tous ceux qui pouvaient être un obstacle pour s’emparer du trône. Le soir du 10 décembre il y eut une fête à l’Hôtel de Ville, une foule considérable se pressait, se bousculait sur la place, la soirée était magnifique, mon père était revenu ; il m’emmena pour que je visse la manifestation, il me mit sur ses épaules pour que je pusse mieux voir, au-dessus du portique de l’Hôtel de Ville, pompeusement illuminé, le navire emblème de la ville de Paris. C’était splendide. Ce vaisseau semblait voguer dans une mer de flammes. Il y eut un feu d’artifice.

J’entends encore dans mes oreilles les voix insensées de ce peuple inconscient criant à tue-tête ; Il nous le faut, nous l’aurons notre petit Napoléon (imbéciles ! disait mon père). Pauvre peuple, sachant à peine lire, ne connaissant de l’histoire que la légende, comme toujours son ignorance fit sa perte.

Le 20 décembre, Louis Bonaparte fut proclamé président de la République, prêta devant l’assemblée constituante le serment suivant :

En présence de Dieu et par devant le peuple français, je jure de rester fidèle à la République démocratique et de défendre la Constitution.

Pour que son succès fut complet, il avait pris les précautions nécessaires pour faire désarmer toutes les