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SECONDE PARTIE

devait savoir à quoi s’en tenir sur cette disparition.

Le 3 décembre au soir, des amis de mon père, habitant Paris, vinrent le prévenir de ce qui se passait dans la Capitale. « On demande, disent-ils, la déchéance du président de la République. Louis-Napoléon veut faire un coup d’État. Il se prépare de terribles représailles. Hier il a fait arrêter plusieurs députés, des barricades se sont élevées de toutes parts. Le docteur Baudin s’est fait tuer à une barricade de la rue St-Marguerite, en disant : « Voilà comment on meurt pour 25 francs par jour ». Il se fait des arrestations sans discontinuer. On s’attend à des massacres dans les rues de Paris. Prenez vos précautions, surtout détruisez les noms et adresses des amis. »

Peu d’instants avant l’arrivée de ces messieurs, ma mère avait entendu un bruit inaccoutumé du côté du couloir donnant accès à l’intérieur de notre maison. Elle était sortie de la salle à manger, où nous nous tenions généralement, elle avait vu un homme qui avait pénétré dans la maison en passant par la petite porte dérobée donnant du côté de la rue Neuve. L’homme, se voyant découvert, se mit à fuir. Mon père dit à ses amis : « Vous avez été filés, il ne faut pas rester ici. Allez chez Bassot, dites-lui de brûler tous les papiers. De mon côté, je vais prendre les mesures nécessaires pour qu’il n’arrive rien de désagréable. »

Cette nuit-là mon père ne se coucha pas, il mit de l’ordre dans ses affaires. Toute la nuit il y eut un grand bruit dans toute la ville.

Le lendemain, 4 décembre, mon père sortit quelques