Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Broglie vivait toujours éloigné de la Cour, où il ne paraissait que deux fois par an et dont il ne craignait pas de blâmer constamment les erreurs et les fautes. C’était le Cincinnatus des temps modernes. »

Je ne suis pas bien sûr que mon grand’père ressemblât trait pour trait à Cincinnatus : il n’avait ni déposé les faisceaux consulaires, ni forgé son épée en soc de charrue, et l’envoyé du Sénat romain qui l’aurait trouvé en habit de chasse, galonné sur toutes les coutures, entouré des gentilshommes de la contrée — vêtus du même habit qu’ils tenaient respectueusement de sa munificence, — faisant retentir la forêt de Broglie des aboiements de cent chiens et du galop de cinquante chevaux, n’aurait été que médiocrement édifié de sa simplicité rustique. Ce qui est vrai, c’est qu’il avait été injustement disgracié, et qu’à l’exemple du fier patricien, il en était très justement irrité.

Mon père, à peine âgé de trente ans, était colonel du régiment de Bourbonnais, et chevalier de saint Louis.

Trois ans auparavant, en 1782, il avait rejoint le corps d’armée conduit par M. de Rochambeau au secours des États-Unis d’Amérique. Réembarqué bientôt avec ce corps qui devait tenter une expédi-