Page:Brongniart - Plans du Palais de la Bourse de Paris et du cimetière Mont-Louis.djvu/22

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le pouvoir de les appliquer manquoit à son caractère, plutôt fait pour créer de nouvelles images, de nouvelles expressions, que pour rassembler patiemment des faits, afin de les comparer entre eux, dans le but d’y découvrir de nouveaux rapports.

Le tact est, comme le goût, la faculté de deviner, sans préceptes, et par conséquent sans d’abord s’en rendre compte, ce qui convient ; de savoir mettre chaque chose à sa vraie place, de réunir celles qui sont ; faites pour aller ensemble, de reconnoître enfin et d’éviter toute association destructive de l’harmonie qui doit régner dans un assemblage quelconque de sons, de couleurs, de formes, de pensées ou d’actions. Ce tact, qui l’eût averti du plus léger dérangement dans l’économie animale s’il eût été médecin, qui l’eût mis, autant que la chose est possible, sur la voie d’en découvrir la cause, ou au moins le siège ; ce tact qui lui donnoit dans le monde le ton et les manières qui convenoient à sa position, s’est transformé en goût dans la culture des arts, et lui a fait généralement éviter ces alliances de formes qui choquent, sans qu’on puisse en rendre raison, tous ceux qui jouissent de cette même faculté, de même qu’un son faux est reconnu sur-le-champ par un homme qui, sans être musicien, est doué d’une oreille juste.

M. Brongniart ayant donc, pour ainsi dire, un caractère qui tenoit en même temps de celui de l’artiste et de celui du savant, embrassa l’art qui a le plus de liaison avec les sciences. Nous ne prétendons pas qu’en choisissant l’architecture, il se rendit compte de ses dispositions, et fut dirigé par des motifs tels que ceux que nous venons d’exposer. S’il est rare qu’on embrasse une profession par raison, ce mode de détermination est encore plus rare dans les arts ; il paroît même incompatible avec l’inspiration et les dispositions innées indispensables pour y réussir.

Cette réunion du génie et du jugement, celle des premières études littéraires et scientifiques avec la culture des arts du dessin, donnèrent à M. Brongniart quelques avantages qu’il est peut-être bon de faire observer, parce qu’une éducation convenablement dirigée peut, dans quelques cas, les faire acquérir.

S’il est vrai que les meilleurs écrits sur la peinture, la sculpture, etc. ne formèrent jamais ni un grand peintre, ni un grand sculpteur, et que de tels ouvrages ne peuvent guère servir à ces artistes que pour leur donner quelques moyens de perfectionner leur talent, et bien plus encore pour leur faire acquérir l’érudition de leur art, il n’en est pas de même de l’architecture. Cet art n’est pas, comme les premiers, une imitation savante d’une nature choisie ; il a des règles, des préceptes, non-seule-