Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’avez abandonnée. Mais je ne vous ferai pas de reproches. Je vous pardonne. Pardonnez-moi !

— Il est difficile de pardonner, en regardant ces yeux, en touchant ces mains décharnées. Embrassez-moi encore ; et ne me laissez pas voir vos yeux ! Je vous pardonne ce que vous m’avez fait. J’aime mon meurtrier… mais le vôtre ! comment le pourrais-je.

Ils se turent, leurs visages appuyés l’un contre l’autre et baignés de leurs larmes confondues. Du moins je suppose que tous deux pleuraient ; car il me semblait que Heathcliff était capable de pleurer dans une grande occasion comme celle-là.

Cependant je commençais à me sentir fort mal à l’aise. L’après-midi s’avançait rapidement, l’homme que j’avais envoyé au village était revenu de sa course, et je pouvais distinguer, sous l’éclat du soleil qui s’abaissait dans la vallée, le gros de la foule qui sortait du porche de la chapelle de Gimmerton.

— Le service est fini, annonçai-je. Mon maître sera ici dans une demi-heure.

Heathcliff poussa un juron et serra plus étroitement Catherine, qui ne bougea pas.

Bientôt j’aperçus un groupe de domestiques passant sur la route et se dirigeant vers l’aile où était la cuisine. Mr Linton n’était pas loin derrière. Il ouvrit la barrière lui-même et approcha lentement, s’attardant sans doute à jouir de cette délicieuse fin de journée et de la brise aussi douce qu’une brise d’été.

— Le voilà ! m’écriai-je. Pour l’amour du ciel, partez vite ! Vous ne rencontrerez personne dans le grand escalier. Hâtez-vous, et restez caché dans les arbres jusqu’à ce qu’il soit bien sûrement rentré.

— Il faut que je parte, Cathy, dit Heathcliff en cherchant à se dégager des bras de ma maîtresse. Mais