Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenait la forme d’un journal en règle, griffonné d’une main inhabile d’enfant. En haut d’une page blanche (un vrai trésor, probablement quand on la découvrit), je me divertis beaucoup en trouvant une excellente caricature de mon ami Joseph, d’un crayon grossier, mais vigoureux. Je conçus sur-le-champ de l’intérêt pour la Catherine inconnue et me mis aussitôt à déchiffrer ses hiéroglyphes à moitié passés.

« Un horrible dimanche ! Ainsi débutait le paragraphe qui suivait. Je voudrais que mon père pût revenir parmi nous. Hindley est un détestable remplaçant… sa conduite envers Heathcliff est atroce… H. et moi allons nous révolter… Nous avons fait le premier pas ce soir.

« Toute la journée il a plu à torrents. Nous n’avons pu aller à l’église, de sorte que Joseph a dû réunir les fidèles dans le grenier. Pendant que Hindley et sa femme se chauffaient en bas devant un bon feu — occupés à n’importe quoi, sauf à lire leur Bible, j’en jurerais — Heathcliff, moi-même et le pauvre valet de charrue recevions l’ordre de prendre nos livres de prière et de monter. Placés en rang, sur un sac de grain, nous maugréions et nous grelottions, tout en espérant que Joseph grelotterait aussi, afin que son propre intérêt le poussât à raccourcir son homélie. Quelle erreur ! Le service a duré exactement trois heures ; et pourtant mon frère a eu le front de s’écrier, en nous voyant descendre : « Quoi ? déjà fini ! » Autrefois, le dimanche après-midi, on nous permettait de jouer, pourvu que nous ne fissions pas trop de bruit ; maintenant, le moindre rire étouffé suffit à nous faire envoyer dans le coin !

« — Vous oubliez que vous avez un maître ici, dit le tyran. Je démolirai le premier qui me mettra en