Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/354

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les jours d’été elle a été à mes côtés un vivant espoir. Mais je n’ai pas été moins heureux en rêvant seul parmi ces pierres, à l’ombre de cette vieille église, couché, pendant les longues soirées de juin, sur le tertre vert de la tombe de sa mère, et aspirant au moment où je pourrais à mon tour reposer là. Que puis-je faire pour Cathy ! Comment dois-je la quitter ? Je ne serais pas arrêté un instant par la pensée que Linton est le fils de Heathcliff, ni par la pensée qu’il me la prendrait, s’il pouvait la consoler de ma perte. Peu m’importerait que Heathcliff arrivât à ses fins et triomphât en me dépouillant de ma dernière consolation ! Mais si Linton est un être méprisable, s’il n’est qu’un jouet aux mains de son père… je ne peux pas la lui abandonner ! Quelque dur qu’il soit de refréner sa nature exubérante, il faut que je continue de l’attrister tant que je vivrai, et il faut que je la laisse seule quand je mourrai. La pauvre chérie ! J’aimerais mieux la confier à Dieu et la coucher en terre avant moi !

— Confiez-la à Dieu en tout cas, monsieur, et si nous devions vous perdre — puisse-t-Il nous épargner ce malheur ! — je resterai son amie et son guide jusqu’à la fin, si Sa Providence le permet. Miss Catherine a une bonne nature ; je ne crains pas qu’elle s’engage volontairement dans la mauvaise voie ; et les gens qui font leur devoir finissent toujours par être récompensés.

Le printemps approchait. Pourtant mon maître ne recouvrait pas sérieusement ses forces, bien qu’il eût repris ses promenades avec sa fille. Inexpérimentée comme elle l’était, celle-ci voyait dans ce fait seul un indice de convalescence. Puis son père avait souvent les pommettes rouges, les yeux brillants : elle était sûre qu’il se rétablissait. Le jour anniversaire de ses dix-sept