Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/369

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— Oh ! bon ! reprit Catherine avec une compassion dédaigneuse, gardez votre secret : je ne suis pas lâche, moi. Occupez-vous de votre sûreté ; je n’ai pas peur !

Cette noblesse d’âme provoqua les larmes de Linton. Il pleurait comme un désespéré, baisant les mains qui le soutenaient, et sans parvenir pourtant à trouver le courage de parler. Je me demandais quel pouvait bien être le mystère, et j’étais résolue de ne jamais permettre que Catherine pût souffrir dans l’intérêt de Linton ou de qui que ce fût, quand j’entendis un bruissement dans la bruyère. Je levai les yeux et j’aperçus Mr Heathcliff presque sur nous, descendant des Hauts. Il ne fit pas attention à mes deux compagnons, bien qu’ils fussent assez près de lui pour qu’il pût entendre les sanglots de Linton ; mais, me saluant sur le ton presque cordial qu’il réservait pour moi seule et dont je ne pouvais m’empêcher de suspecter la sincérité, il dit :

— C’est un événement de vous rencontrer si près de chez moi, Nelly. Comment cela va-t-il à la Grange, dites-moi ? Le bruit court, ajouta-t-il plus bas, qu’Edgar Linton est sur son lit de mort. Peut-être exagère-t-on la gravité de son état ?

— Non, mon maître est mourant, répondis-je. Ce n’est que trop vrai. Ce sera un triste événement pour nous tous, mais une bénédiction pour lui !

— Combien de temps pensez-vous qu’il vive encore ?

— Je n’en sais rien.

— C’est que, poursuivit-il en couvrant les deux jeunes gens d’un regard qui les paralysa — Linton semblait n’oser se risquer à remuer ni à lever la tête, et Catherine, à cause de lui, ne pouvait bouger — c’est que ce gaillard-ci a l’air décidé à déjouer mes plans ; je serais reconnaissant à son oncle de se hâter de partir avant lui. Hé ! y a-t-il longtemps que cet animal se livre