Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/59

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bout la patience de tous cinquante fois et plus par jour : depuis le moment où elle descendait jusqu’à celui où elle allait se coucher, il n’y avait pas de minute où nous n’eussions à craindre quelque méfait de sa part. Elle était toujours excitée, sa langue toujours en train… elle chantait, riait, taquinait tous ceux qui ne faisaient pas comme elle. C’était une indomptable petite friponne, mais elle avait l’œil le plus gai, le sourire le plus caressant et le pied le plus léger de toute la paroisse. Et, en fin de compte, je crois qu’elle n’avait pas de mauvaises intentions. Car, lorsqu’elle était arrivée à vous faire pleurer pour de bon, il était rare qu’elle ne voulût pas vous tenir compagnie et ne vous obligeât pas de vous calmer pour la consoler. Elle était beaucoup trop entichée de Heathcliff. La plus grande punition que nous puissions inventer pour elle était de la tenir séparée de celui-ci ; pourtant elle était grondée plus qu’aucun de nous à cause de lui. Dans ses jeux, elle aimait énormément faire la petite maîtresse ; elle avait la main leste, et commandait à ses camarades. Elle essaya de me traiter ainsi, mais je ne voulus pas me charger de ses commissions ni me plier à ses exigences, et je le lui fis savoir.

Quant à Mr Earnshaw, il n’entendait pas la plaisanterie de la part de ses enfants ; il avait toujours été strict et grave avec eux. Catherine, de son côté, ne comprenait pas que son père fût plus irritable et moins patient dans son état maladif qu’il ne l’était au temps de sa vigueur. Ses maussades réprimandes faisaient naître en elle un malicieux plaisir à l’irriter. Elle n’était jamais aussi contente que quand nous la grondions tous ensemble et qu’elle nous défiait de son regard effronté, impertinent, et de ses réponses toujours prêtes. Elle tournait en ridicule les malédictions