Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

muet et renfrogné. Cathy resta debout jusqu’à une heure avancée, ayant un monde de choses à ordonner pour la réception de ses nouveaux amis. Elle vint une fois dans la cuisine pour parler à l’ami ancien ; mais il n’était pas là et elle se contenta de demander ce qu’il avait, puis se retira. Le lendemain matin, il se leva de bonne heure et, comme c’était jour de congé, il alla promener sa mauvaise humeur dans la lande ; il ne reparut que quand tout le monde fut parti pour l’église. Le jeûne et la réflexion semblaient l’avoir mieux disposé. Il tourna autour de moi un instant, puis, ayant rassemblé son courage, s’écria tout à coup :

— Nelly, faites-moi propre, je veux être sage.

— Il est grand temps, Heathcliff. Vous avez fait de la peine à Catherine : elle regrette d’être revenue à la maison, j’en suis sûre ! On dirait que vous êtes jaloux d’elle, parce qu’on s’occupe d’elle plus que de vous.

L’idée d’être jaloux de Catherine ne pouvait entrer dans sa tête, mais l’idée de lui faire de la peine était bien claire pour son esprit.

— A-t-elle dit qu’elle était fâchée ? demanda-t-il d’un air très sérieux.

— Elle a pleuré quand je lui ai annoncé que vous étiez encore parti ce matin.

— Eh bien ! moi, j’ai pleuré cette nuit, et j’avais plus de raisons qu’elle pour pleurer.

— Oui, vous étiez allé vous coucher le cœur gonflé d’orgueil et l’estomac vide : belle raison, en vérité ! Les gens orgueilleux se forgent à eux-mêmes de pénibles tourments. Mais si vous avez honte de votre susceptibilité, ayez soin de lui demander pardon quand elle rentrera. Vous irez la trouver, vous lui offrirez de l’embrasser, et vous direz… vous savez mieux que moi