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CHAPITRE VIII.

Les tactiques de Martin.


Il fallait, pour la réussite du plan de Martin, qu’il pût demeurer pendant tout le jour à la maison. En conséquence, il ne trouva pas d’appétit pour le déjeuner et, au moment d’aller à l’école, il se plaignit d’un violent mal de cœur qui fit penser qu’au lieu d’aller à l’école de grammaire avec Marc, il valait mieux qu’il demeurât dans le fauteuil de son père, au coin du feu, à lire le journal. Ceci arrangé à sa satisfaction, Marc étant parti pour la classe de M. Sumner, et Mathieu et M. Yorke pour le comptoir, trois autres exploits, non, quatre, restaient à accomplir.

Le premier de ces exploits était de réaliser le déjeuner auquel il n’avait pas goûté, et dont son appétit de quinze ans pouvait difficilement se passer. Le second, le troisième, le quatrième, d’éloigner sa mère, miss Moore et mistress Horsfall, avant quatre heures de l’après-midi.

Le premier de ces exploits était le plus pressé, puisque le travail qu’il avait devant lui demandait une masse d’énergie que la vacuité présente de son jeune estomac ne semblait pas vouloir lui fournir.

Martin savait le chemin du garde-manger, et il le prit. Les domestiques étaient dans la cuisine, déjeunant solennellement, les portes fermées ; sa mère et miss Moore prenaient l’air sur la pelouse, discutant sur la fermeture de ces portes. Martin, en sûreté dans le garde-manger, faisait son choix dans les provisions. Si son déjeuner avait été retardé, il voulait au moins qu’il fût recherché : il lui semblait qu’une variante sur sa chère usuelle et insipide de pain et de lait était à la fois juste et désirable. Il pensait que le savoureux et le salutaire pouvaient être combinés. Une provision de pommes rosées, placées sur de la paille, garnissaient une tablette. Il en prit trois. Il y avait de la pâtisserie sur un plat ; il choisit un gâteau feuilleté aux abricots et une tarte aux prunes de Damas. Le pain ordinaire n’attirait pas son œil ; mais il regardait avec plaisir quelques gâ-