Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/635

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point de là avant d’avoir accompli la tâche que je lui avais donnée. Pendant ce temps, Fanny s’était emparée de mon sac à ouvrage, en mettait au pillage le contenu et crachait dedans par-dessus le marché. Je lui dis de le laisser, mais en vain. « Brûle-le, Fanny, » s’écriait Tom, et elle se hâtait d’obéir. Je m’élançai pour l’arracher au feu, et Tom courut vers la porte. « Mary-Anne, jette son pupitre par la fenêtre, » cria-t-il ! Et mon précieux pupitre, contenant mes lettres, mes papiers, mon peu d’argent et tout ce que je possédais, allait être précipité par la fenêtre de la hauteur de trois étages. Je m’élançai pour le sauver. Pendant ce temps Tom avait fui et descendait les escaliers, suivi de Fanny. Ayant mis en sûreté mon pupitre, je courus après eux, et Mary-Anne me suivit. Tous trois m’échappèrent et s’enfuirent dans le jardin, où ils se vautrèrent dans la neige en poussant des cris de joie et de triomphe.

Que devais-je faire ? Si je les suivais, il me serait sans doute impossible de les saisir et je ne ferais que les faire courir plus loin. Si je ne les suivais pas, comment les faire rentrer à la maison ? Et que penseraient de moi les parents, s’ils voyaient leurs enfants courir sans chapeau, sans gants et sans bottines, dans la neige épaisse ? Pendant que j’étais là debout sur la porte dans cette perplexité, m’efforçant par un visage et des paroles sévères de les ramener à l’obéissance, j’entendis une voix aigre et perçante s’écrier derrière moi :

« Miss Grey ! est-il possible ? à quoi diable pouvez-vous donc penser ?

— Je ne puis les faire rentrer, monsieur, dis-je en me retournant et en apercevant M. Bloomfield les cheveux hérissés et les yeux sortant de leur orbite.

— Mais j’insiste pour que vous les fassiez rentrer ! s’écria-t-il en s’approchant davantage et paraissant furieux.

— Alors, monsieur, veuillez les rappeler vous-même, car ils ne veulent pas m’écouter, lui dis-je en me reculant.

— Rentrez à l’instant, méchants vauriens, ou je vous cravache tous ! leur cria-t-il d’une voix de tonnerre, et les enfants obéirent à l’instant. Vous voyez, ils viennent au premier mot.

— Oui, quand vous parlez.

— Il est fort étrange que vous, qui prenez soin d’eux, n’ayez pas plus de pouvoir sur eux ! Là, les voilà qui montent l’escalier avec leurs pieds gelés ! Suivez-les, et pour Dieu, veillez