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VERS OU PROSE

années et qui lui redonne une jeunesse n’avait produit les résultats que l’on sait. Aujourd’hui, — et c’est bien heureux, — nul de nous n’oserait s’attarder à écrire l’air à vocalises, le couplet de virtuosité, ni aucun des morceaux conventionnels qui, il n’y a pas très longtemps encore, déparaient chaque opéra nouveau et étaient là comme la négation même du théâtre. On admet maintenant — et l’on a raison — qu’une scène chantée peut avoir la forme vivante d’une scène jouée et que la division d’un acte en récitatifs, romances, duos, trios, etc., est absolument arbitraire et destructive d’émotion ou d’intérêt. On demande à l’orchestre de concourir à l’effet du drame, de commenter les sentiments des personnages, et l’on exige que ces personnages s’expriment de la bonne façon, pour dire quelque chose et non pour faire acte de virtuosité inutile et ridicule. C’est ici que la littérature commence à devenir indispensable à la musique en lui fournissant des caractères à dessiner, des types à créer, des âmes à éclairer. Or, puisqu’un grand souffle de liberté régénère l’art lyrique, pourquoi donc la prose n’aurait-elle pas le droit de concourir à la réussite d’une évolution si glorieuse ?

Oui, c’est bien la liberté que la prose apporte au compositeur dans les larges plis de sa phrase