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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

blic n’ait point de parti pris contre lui, de rappeler dans quelles circonstances il a été conçu et à quel moment de sa vie l’auteur l’a composé.

En 1839, Wagner n’avait encore écrit que les Fées, la Défense d’aimer ou la Novice de Palerme et Rienzi, œuvres d’imitation hésitante, de tâtonnement scénique et musical. Chef d’orchestre au petit théâtre de Riga, — il entrait alors dans sa vingt-sixième année, — exilé pour ainsi dire en la triste ville brumeuse, obligé, par ses fonctions, d’interrompre le commerce spirituel qui l’unissait à Beethoven, son dieu, et subissant malgré lui l’influence de l’opéra de cet époque, il se mourait du désir de liberté et d’affranchissement. Un matin, ce désir fut plus fort que tout. La mer était là, la mer de tempêtes et de luttes, engageante et incertaine comme la vie même. Sans consulter personne, obéissant à sa destinée, il se précipite sur le navire qui déploie ses voiles, qui part et qui l’emporte vers l’inconnu. Au milieu d’un effroyable orage, près des côtes de Norvège, les matelots lui racontent la légende du Hollandais volant, sorte de Juif-Errant des eaux, qui court sans cesse avec la bourrasque et qui n’a d’autre patrie que l’immense et terrible et impitoyable Océan. Aussitôt surgit en son esprit l’idée du symbole dans lequel