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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

La légende populaire, raconlée au poète qui la magnifia, date du quinzième siècle. Les marins se la sont transmise de génération en génération. Elle dit qu’un capitaine de vaisseau, s’acharnant à franchir une passe défendue, rejeté toujours dans la route commune, jura, en un blasphème horrible, de persister éternellement. Et le démon, qui l’écoutait, le condamna au perpétuel voyage sans but sur les ondes sans asile, et en fit l’annonciateur sinistre des tempêtes, le terrifiant semeur des désastres. De l’âme souillée de ce maudit, Wagner imagina le rachat par la femme pure. L’idée sublime de rédemption, de pitié, de tendre héroïsme que nous retrouvons dans les drames suivants, s’affirme donc pour la première fois ici. Car si elle existe à l’état d’ébauche en les Fées et en la Défense, d’aimer, elle n’apparaît clairement que dans le Vaisseau fantôme. Pour la première fois, un musicien glorifiait la bonté, l’indulgence, la douceur de l’être d’amour et de grâce poussées jusqu’au sacrifice, jusqu’au renoncement, jusqu’à l’immolation suprême. Senta, pardonnant au Hollandais d’avoir offensé Dieu et le sauvant de la damnation par le don de sa vie, prépare et annonce Elisabeth, pardonnant à Tannhäuser de s’être jeté dans les bras de Vénus et mourant pour le salut de l’Homme. Mais combien sont dissem-