Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

meurs, les bousculades, tout le gros amusement, parfois un peu égoïste, des promeneurs de ces jours-là, proclame solennellement, en la montée imposante des symphonies et des chants, l’éternelle et souveraine puissance de la vie laborieuse et féconde. Et, dans la partition, on sent palpiter vraiment l’âme de la rue. Avec ses stridents appels de marchands des quatre-saisons, de rempailleurs de chaises, de poissonnières, de chiffonniers, lancés par les trompettes, des plus hautes fenêtres du palais municipal, seuls puis entre-croisés et repris par l’orchestre en d’exquises harmonies ; son spirituel ballet du « plaisir » ; sa délicieuse fanfare de la Muse, douce et apothéotique, dont les enfants, du faîte de la Maison commune, redisent ingénument le thème ; ses sonneries de cloches lointaines ou rapprochées, se répondant et se mêlant ; ses amples et vibrantes phrases instrumentales et chorales ; ses développements pittoresques ; son caractère de rude franchise et, en même temps, de robuste tendresse ; sa péroraison religieuse et triomphale, cette partition est animée d’un souffle superbement populaire. Il ne s’agit pas là, qu’on le sache bien, de la cantate habituelle, de l’inutile et odieuse cantate de commande, aux nécessités de laquelle la libre verve de M. Charpentier ne se serait point soumise. En